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Publié sur le site en 2021 


Pourquoi cette répression psychique chronique va-t-elle être pathogène ?


 

Je vois deux mécanismes par lesquels cette répression psychique chronique va pouvoir générer du symptôme psychique.

 

1) L'épuisement de l'énergie, l'attaque narcissique, l'évitement etc.

 

    Tout les éléments internes concernant cette pulsion sont en permanence maintenus sous contention (sensations corporelles, mouvements suscités, fantasmes associés et représentations générés). La pulsion devient alors intraitable, et le double mécanisme de répression des éléments pulsionnels et d'isolation de la représentation pulsionnelle dans le préconscient devient alors « définitif ». C'est à dire qu'il devient le mode de traitement à part entière de cette pulsion. L'enjeu pulsionnel, avec ses représentations, ses sensations et ses modes de résolution doivent alors être maintenus en continue hors de la conscience alors que des sollicitations extérieures et intérieures vont régulièrement les rappeler à la conscience. Cela entraine une lutte interne perpétuelle pour empêcher l'accès de cet enjeux pulsionnel à la conscience, ou alors un processus d'évitement de toutes les situations pouvant faire sollicitation, générant une forme d'isolement de la personne. Il y a plusieurs type d'isolement possible. La phobie sociale peut en être un, l'enfermement dans un milieu adapté à cet évitement peut en être un autre, ou alors le rejet de tout ce, ou tous ceux, qui peut représenter un solliciteur de cette pulsion peut en être une autre, avec son extrême qu'est le fascisme, la discrimination, etc.

Dans le cadre de la répression pathologique, la représentation pulsionnelle est maintenue dans le préconscient, menaçant alors, si elle revient à la conscience, de se ré-associer à la tension somatique et aux modalités de traitements bruts de la pulsion. Or le passage du préconscient au conscient est assez libre. Elle n'est donc pas contenue dans un espace réellement isolé de la conscience comme le ferait le refoulement (qui renvoie des éléments dans l'inconscient). C'est comme si vous aviez une maison avec des portes et des fenêtre mobiles mais sans poignée ni penne pour les maintenir fermées. Quand il y aurait du vent, elle menaceraient de s'ouvrir toutes seules, il faudrait donc dépenser une énergie importante en courant d'une ouverture à l'autre de manière à les maintenir à peu prêt fermée voir pour les refermer dès qu'elles commenceraient à s'ouvrir, c'est à dire sans arrêt les jours de grands vent. C'est un peu la configuration de la répression pathologique, alors que le refoulement serait les portes et les fenêtres fermée à clé, c'est à dire maintenues fermées même en cas de vent.

Du coup, avec la répression pathogène dès que la représentation pulsionnelle commence à pointer le bout de son nez à la conscience, le danger est grand en terme de narcissisme et de culpabilité ou de honte (quand le fenêtre ou la porte s'ouvre).

Pourquoi ?

Il faut savoir que les représentations pulsionnelles, quand elles sont inacceptables, sont refoulées pour nous maintenir dans la croyance que nous ne les avons pas en nous, que ces pulsions ne nous habitent pas pour sauvegarder notre regard sur nous-même.

Pourquoi ?

Car elles représentent quelque chose de tellement inacceptable dans la société, dans la culture (car cela variera selon les cultures) ou dans un groupe (comme une famille) que si je me rendais compte que parfois cette pulsion me traverse, j'en serais moi-même affecté au niveau de l'estime que je me porte, au niveau du respect, du regard, de la considération et de l'amour que je me porte à moi-même. Et j'en tirerais une culpabilité ou une honte écrasante, qui va de paire avec une vision de soi négative, qui peut aller jusqu'à une haine de soi. Ça serait donc relativement dangereux pour mon rapport à moi et mon inscription dans mon milieu social. Car, en effet, l'autre danger de cela c'est le risque d'être exclut du groupe social, d'être ostracisé, d'être mis de côté si le groupe sait que cette pulsion m'habite. Or cela représente un danger fondamental au sein d'une espèce qui fonde sa force et sa survie, collective et individuelle, en grande partie sur l'association en groupe, ce qui est le cas chez les humains.

Tout cela fait qu'en cas de répression pathogène, il faut repousser d'urgence une représentation pulsionnelle inacceptable hors de la conscience, dans le préconscient, (courir fermer ces fenêtres et portes qui s'entrouvrent), comme quand une pensée nous vient à l'esprit qui ne nous plait pas et que l'on la rejette. Sauf que là, l'enjeu est plus grave que le simple déplaisir d'une pensée qui ne nous plait pas. L'enjeu c'est une vision de soi détérioré à l'idée de voir qu'une motion pulsionnelle tabou nous habite, et d'une culpabilité potentiellement accompagnée d'une auto-punition ou d'un rejet. Une évocation, certes un peu caricaturale, mais illustrant bien ce phénomène se trouve dans l'ouvrage bien connu « Da vinci code ». Le moine Silas qui utilise cet instrument d'auto mortification, le cilice, sur sa cuisse pour se punir de ce qui traverse son esprit illustre bien cette notion du danger qui guète le sujet dont une motion pulsionnelle taboue, plus ou moins tenue par la répression pathologique, commence à venir à la conscience. Cela génère honte, stigmatisation, dévalorisation de soi, culpabilité et auto punition.

Cette attaque de soi-même, l'angoisse du rejet, mais aussi l'épuisement de l'énergie psychique qu'engendre chez un sujet le fait de devoir sans arrêt renvoyer ou maintenir dans le préconscient une motion pulsionnelle inacceptable quand elle a tendance à vouloir rejoindre le conscient, sont la première source de ce qui d'après moi, fera de la répression psychique pathogène un générateur de symptômes psychiques.


Psychopathologie et pulsions


     Venons en donc aux pathologies psychiques liées au traitement interne des pulsions en nous.

    Le conflit intrapsychique et la formation de compromis Il me parait intéressant de rappeler ici que toute une gamme des symptômes psychique, et c'est la proposition principale de Freud concernant les symptômes névrotiques, seront générés soit par un conflit intrapsychique créé par la coexistence et la confrontation entre la nécessité de la réalisation d'un but pulsionnel et l'interdit social intériorisé concernant le mode de réalisation de ce but pulsionnel, soit par une formation de compromis par l'appareil psychique, prenant la forme d'un symptôme pour faire face au retour à la conscience d'éléments pulsionnels censés être cloitrés dans inconscients.

Or pour moi, un autre mécanisme psychique va pouvoir générer des symptômes psychiques en lien avec le traitement interne des pulsions, et ce par le biais de deux phénomènes.

 

La répression psychique pulsionnelle pathogène

 

Ces deux phénomènes sont générés par l'impossibilité de transformer efficacement une pulsion en nous (en l'aménageant, en la sublimant ou en la refoulant) à cause de ce mécanisme problématique que j'appelle la répression pulsionnelle pathogène. Elle correspond à la chronicisation de la répression de la pulsion dont le but est de suspendre l'enjeu pulsionnel pour pouvoir le transformer. En effet cette suspension doit absolument être temporaire pour pouvoir appliquer la transformation dans la gestion interne de la pulsion. Elle est une réaction bancale mise en place face à une pulsion insupportable, inacceptable devenue impensable. Et quand elle se chronicise, cette répression devient le seul mécanisme interne en capacité de gérer cette pulsion donnant lieu au premier phénomène entrainant du symptôme psychique. Ce terme de répression est particulièrement bien adapté à cette situation psychiquement problématique, car il signifie un maintient par la force dans un lieu ou un état silencieux, d'un élément qui aurait tendance à essayer d'en sortir ou à s'exprimer. C'est comme une contention psychique. C'est donc une tension couteuse en énergie et en ressources pour contenir sans arrêt une représentation pulsionnelle interne hors de la conscience alors qu'elle tend à y revenir régulièrement.

  Le deuxième phénomène qui peut générer du symptôme psychique lié au traitement des pulsions est, pour moi, aussi en lien avec cette répression psychique pathogène, sera lié au blocage de la pulsion en question qui ne peut alors plus garantir l'instinct qu'elle est censé servir.

    Cela met alors le sujet dans une situation interne qui fait entrave à cet enjeu dans lequel sont inconsciemment engagés tous les membres d'une espèce : la survie de sa propre espèce. Je fais l'hypothèse que cela devient alors une source inconsciente d'angoisse chez le sujet en question. Une angoisse sur laquelle il sera très difficile de mettre un sens.

 

Qu'est ce qui génère la répression psychique pathogène d'une pulsion ?

  Pour moi cela advient quand, dans un groupe d'appartenance, une pulsion est devenue insupportable, inacceptable. C'est à dire quand socialement, culturellement, familialement, donc à un niveau groupal, une pulsion est devenue un tabou. Ainsi cela signifie que dans l'appareil psychique d'un sujet appartenant à ce groupe il en est de même. Or un tabou est quelque chose d' « interdit à évoquer ». Il devient donc un « impossible à penser ». Cette pulsion est alors un impensable, un insupportable groupal, inabordable dans le lien et inélaborable intérieurement. C'est ce qui fait que cette pulsion devient intraitable psychiquement et donc intransformable. Il est important de comprendre que le rejet de cette pulsion ne se limite pas à être un interdit. Car l'interdit est nommable et pensable. On parle l'interdit, on le nomme et on peut l'expliquer, justifier pourquoi c'est interdit. La pulsion taboue, elle, devient quelque chose de sacralisé en négatif et donc quelque chose de tellement insupportable que l'on ne peut tolérer ni qu'elle soit nommé, ni qu'elle apparaisse à la conscience au risque d'être marqué du signe du tabou soi-même. C'est à dire que même la simple représentation mentale de cette pulsion est insupportable et inacceptable. Le risque serait d'être rejeté, ostracisé, de devenir un paria, d'être coupé de ses assises, de son appartenance.

  Cette pulsion est donc intraitable intérieurement. Et l'intraitabilité interne de cette pulsion fait qu'elle ne peut subir aucun des mécanisme de transformation adaptatif des pulsions. Elle ne sera donc pas refoulée (ce qui est pourtant le mécanisme adaptatif qui permet de se protéger des représentations pulsionnelles inacceptable) et elle fera immédiatement vivre au sujet, quand elle se présentera à lui, cet « insupportable interne » ainsi que le risque social et individuel de la honte. L'appareil psychique du sujet n'a comme solution immédiate que l'évitement de cette motion pulsionnelle. En effet, la pulsion est un mécanisme interne, même si des éléments externes peuvent la solliciter. Donc pour éviter l'activation d'une pulsion il n'y a que deux solutions. Soit de s'aménager une vie qui permettrait d'éviter tous les stimulateurs externes de cette pulsion, mais cela ne permet pas de se protéger du risque interne d'activation de cette pulsion. Soit d'utiliser la répression immédiate dès que cette pulsion et ses modalité possibles de résolution sont activés. Car sous le coup de l'insupportable interne ressentit, le mécanisme de répression psychique qui a pour but de suspendre immédiatement l'enjeu pulsionnelle et donc la réalisation du but pulsionnel, va devenir le seul mécanisme de traitement de cette pulsion possible.

Je fais alors l'hypothèse que ces représentations pulsionnelles taboues sont maintenues hors de la conscience dans l'espace du préconscient par un mécanisme de répression sans cesse réactivé. En effet, à chaque fois qu'à la faveur d'un besoin interne ou d'une sollicitation dans l'environnement ces représentations préconscientes seront sollicités, elles auront tendance à revenir à la consciences nécessitant une dépense d'énergie pour ré-appliquer en urgence le mécanisme de répression psychique pour les relayer hors de la conscience, dans le préconscient, espace inconscient précaire. Ce mécanisme générant la nécessité d'un effort sans arrêt réactualisée. La répression devient alors un mode de fonctionnement très énergivore.

Parenthèse :

Cette pulsion est alors contenue par le mécanisme interne de répression psychique qui la renvoie hors de la conscience (l'aspect somatique de la pulsion, la tension interne, ne donne alors pas lieu à un mouvement pour la résoudre). La représentation interne de la pulsion est isolée du conscient car elle est inacceptable. Sauf que cette « intraitabilité » de la pulsion empêche que soit mis en place la transformation pulsionnelle qu'est le refoulement de cette pulsion groupalement inacceptable et qui vise justement à protéger le sujet de cette représentation inacceptable en maintenant durablement cette représentation pulsionnelle dans cet espace hors de la conscience qu'est le CA freudien. En effet pour que l'appareil psychique d'un sujet puisse intégrer la nécessité du refoulement d'une pulsion et le mettre en place, il faut déjà que cette pulsion ait pu être l'objet d'échanges, de discussions, de mentalisation, directs ou indirects mettant l'accent sur son aspect interdit. Pour qu'un interdit devienne un interdit il faut que l'interdiction soit formulée voir discuter. Quand la pulsion est inabordable ou insupportable au niveau familial ou groupal, toute situation où serait évoquée cette pulsion dans le groupe d'origine serait immédiatement écartée ou entrainerait des réactions de blocage voir de rejet.



2) L'activation d'une angoisse fondamentale liée à l'attaque interne de l'enjeu de survie de l'espèce

 

    Une autre hypothèse que je fais pour tenter de donner une explication à l'aspect pathogène de cette répression psychique chronique des pulsions s'appuie sur l'articulation que j'ai proposé entre les instincts et les pulsions et la fonction de ces deux instances en nous de garantir la survie de l'espèce.

    Les pulsions étant le mécanisme interne de mise en acte concrète des instincts et les instincts (autoconservation, reproduction, évolution, association, régulation) étant l'inscription interne de la stratégie nécessaire à la survie d'une espèce. Dans ce cadre que je propose pour penser les instincts et les pulsions, une pulsion réprimée et bloquée dans un pseudo traitement psychique ne pourrait alors plus faire son office de garantir le ou les instincts qu'elle est censée mettre en acte, faisant alors frein à l'enjeu interne de survie de l'espèce. En général c'est l'objectif du mécanisme de transformation ou d'aménagement des pulsions que de permettre que les pulsions continuent à être des moteurs de l'application des instincts tout en restant en accord avec les exigences du collectif. Je fais l'hypothèse que la répression d'une pulsion fait qu'elle ne peut plus faire son office de garantir un instinct, mettant en péril l'enjeu de survie de l'espèce, cela génère alors une tension interne difficile à caractériser par le sujet lui même, finalement ressentie comme une angoisse dont la nature ne m'est pas encore apparue clairement, mais qui peut à mon avis être un facteur d'épuisement avec le temps, peut-être reliés à des syndromes anxio-dépressif diffus. Mais cette partie-là est plus délicate à mettre en évidence, elle reste pour l'instant une idée, une hypothèse basée uniquement sur le fait que cela me paraît logique, sans que je n'arrive à la préciser plus.

 

Qu'est ce qui fait alors la différence entre la répression pathogène et le refoulement ?

    Le refoulement va traiter efficacement ce qui pose problème dans l'enjeux pulsionnel en l'isolant du conscient de manière sécurisante et définitive, alors que la répression pulsionnelle ne fait que suspendre tous les éléments de la pulsion en question. Son action est donc faite pour être temporaire.

Ce que le refoulement va mettre de côté dans l'enjeu pulsionnel se limitera à ce qui pose problème, à savoir :

- soit la représentation pulsionnel, donc l'inscription psychique de la pulsion. La pulsion elle même n'est donc pas concernée. L'enjeu est suspendu, la représentation encombrante est hors de la conscience, les éléments corporels de la pulsion sont présents mais relié à rien de problématique et l'affect est géré. C'est ce qui permet que la pulsion qui est mise de côté dans l'inconscient refoulé, protégeant alors le sujet de l'inacceptable de cette pulsion, ne soit pas entièrement figée. Seuls les éléments inacceptables sont caché au sujet le reste est géré pour ne pas donner lieu à un passage à l'acte.

- soit la modalité de satisfaction inacceptable de cette pulsion qui deviendra quelque chose qui ne sera même plus envisagé comme une possibilité appartenant au sujet.

Dans ces deux cas, la pulsion n'est alors pas entièrement bloquée. Elle peut éventuellement continuer à faire son office de garantir le ou les instincts qui y sont associés, et si ça n'est pas le cas le blocage se limitera à la représentation psychique de la pulsion.

La répression pulsionnelle va, elle, mettre en suspens tous les éléments qui concernent la pulsion . En cela ça n'est pas un mode de traitement de la pulsion adapté, car, en plus d'entraver la réalisation d'un instinct fondamental, il empêche le fonctionnement fluide du sujet dans son environnement. On peut dire que c'est un mode de non traitement de la pulsion comme décrit précédemment. Une sorte de réaction d'urgence sans arrêt réactivée. En effet, avec la répression pathogène, tous les éléments de la pulsion sont mis au placard. Les éléments somatique sont réprimés, la représentation psychique maintenue dans le préconscient, les fantasmes interdits, et les modalités de traitement brutes interdites, réprimées aussi. Il n'y a donc plus d'élément disponible pour que cette pulsion soit traité par l'appareil psychique. Traitée c'est à dire, aménagée, sublimée ou refoulée. La tension continue d'exister, elle ne sera pas apaisée, il y aura juste une gestion de l'ordre de l'anesthésie, de l'oubli ou de l'habituation de cette tension quand elle est présente, ce qui provoque un point aveugle. Aveugle mais grand consommateur interne d'énergie psychique.

Il est donc fondamental de différencier d'après moi :

- les situations où un certain mode de gestion d'une de ces pulsions amène à avoir une modalité de traitement de cette pulsion adaptative (aménagement, transformation ou refoulement) sans porter de jugement sur ce choix. Mais en partant du principe que ce mode de traitement de cette pulsion aide l'individu à évoluer au plus prêt de ses besoins dans son milieu (si c'est bien le cas). Donc sans générer de symptôme, de tension interne extrême ou du malaise excessif. Cela implique de n'être pas dans une réflexion qui s'ancre dans un enjeu de normalité comportementale (rapport à la norme), mais où une manière d'être, même hors norme, peut être un choix et mener à une auto réalisation satisfaisante.

- et les situations ou le mode gestion d'une pulsion est bloqué par une répression pulsionnelle pathogène comme traitement de la pulsion, sous tendue par des interdits moralistes très forts, ce qui génère un rapport à cette pulsion, et à tout ce qui s'y rapporte, fait de tension et d'angoisse et de potentielle honte.

 

Par exemple, ce n'est pas la même chose de faire le choix de la non violence et ainsi rejeter, en stoppant ou dénonçant, toute réaction qui est une forme de violence faite à un autre ou à soi même (transformation pulsionnelle de l'ordre de la sublimation et du refoulement), ou d'être dans un évitement systématique évident (pouvant aller jusqu'à l'isolement) de toute situation relationnelle allant du désaccord jusqu'au conflit, car cela pourrait s'orienter vers une tension qui s'apparenterait à de la violence en soi, ce qui évoquerait clairement une impossibilité de traiter intérieurement la pulsion de destruction (violente).


Psychopathologie et pulsions


Venons en donc aux pathologies psychiques liées au traitement interne des pulsions en nous.

Le conflit intrapsychique et la formation de compromis

Il me parait intéressant de rappeler ici que toute une gamme des symptômes psychique, et c'est la proposition principale de Freud concernant les symptômes névrotiques, seront générés soit par un conflit intrapsychique créé par la coexistence et la confrontation entre la nécessité de la réalisation d'un but pulsionnel et l'interdit social intériorisé concernant le mode de réalisation de ce but pulsionnel, soit par une formation de compromis par l'appareil psychique, prenant la forme d'un symptôme pour faire face au retour à la conscience d'éléments pulsionnels censés être cloitrés dans inconscients.

Or pour moi, un autre mécanisme psychique va pouvoir générer des symptômes psychiques en lien avec le traitement interne des pulsions, et ce par le biais de deux phénomènes.

La répression psychique pulsionnelle pathogène

Ces deux phénomènes sont générés par l'impossibilité de transformer efficacement une pulsion en nous (en l'aménageant, en la sublimant ou en la refoulant) à cause de ce mécanisme problématique que j'appelle la répression pulsionnelle pathogène. Elle correspond à la chronicisation de la répression de la pulsion dont le but est de suspendre l'enjeu pulsionnel pour pouvoir le transformer. En effet cette suspension doit absolument être temporaire pour pouvoir appliquer la transformation dans la gestion interne de la pulsion. Elle est une réaction bancale mise en place face à une pulsion insupportable, inacceptable devenue impensable. Et quand elle se chronicise, cette répression devient le seul mécanisme interne en capacité de gérer cette pulsion donnant lieu au premier phénomène entrainant du symptôme psychique. Ce terme de répression est particulièrement bien adapté à cette situation psychiquement problématique, car il signifie un maintient par la force dans un lieu ou un état silencieux, d'un élément qui aurait tendance à essayer d'en sortir ou à s'exprimer. C'est comme une contention psychique. C'est donc une tension couteuse en énergie et en ressources pour contenir sans arrêt une représentation pulsionnelle interne hors de la conscience alors qu'elle tend à y revenir régulièrement.

Le deuxième phénomène qui peut générer du symptôme psychique lié au traitement des pulsions est, pour moi, aussi en lien avec cette répression psychique pathogène, sera lié au blocage de la pulsion en question qui ne peut alors plus garantir l'instinct qu'elle est censé servir. Cela met alors le sujet dans une situation interne qui fait entrave à cet enjeu dans lequel sont inconsciemment engagés tous les membres d'une espèce : la survie de sa propre espèce. Je fais l'hypothèse que cela devient alors une source inconsciente d'angoisse chez le sujet en question. Une angoisse sur laquelle il sera très difficile de mettre un sens.

Qu'est ce qui génère la répression psychique pathogène d'une pulsion ?

Pour moi cela advient quand, dans un groupe d'appartenance, une pulsion est devenue insupportable, inacceptable. C'est à dire quand socialement, culturellement, familialement, donc à un niveau groupal, une pulsion est devenue un tabou. Ainsi cela signifie que dans l'appareil psychique d'un sujet appartenant à ce groupe il en est de même. Or un tabou est quelque chose d' « interdit à évoquer ». Il devient donc un « impossible à penser ». Cette pulsion est alors un impensable, un insupportable groupal, inabordable dans le lien et inélaborable intérieurement. C'est ce qui fait que cette pulsion devient intraitable psychiquement et donc intransformable. Il est important de comprendre que le rejet de cette pulsion ne se limite pas à être un interdit. Car l'interdit est nommable et pensable. On parle l'interdit, on le nomme et on peut l'expliquer, justifier pourquoi c'est interdit. La pulsion taboue, elle, devient quelque chose de sacralisé en négatif et donc quelque chose de tellement insupportable que l'on ne peut tolérer ni qu'elle soit nommé, ni qu'elle apparaisse à la conscience au risque d'être marqué du signe du tabou soi-même. C'est à dire que même la simple représentation mentale de cette pulsion est insupportable et inacceptable. Le risque serait d'être rejeté, ostracisé, de devenir un paria, d'être coupé de ses assises, de son appartenance. Cette pulsion est donc intraitable intérieurement. Et l'intraitabilité interne de cette pulsion fait qu'elle ne peut subir aucun des mécanisme de transformation adaptatif des pulsions. Elle ne sera donc pas refoulée (ce qui est pourtant le mécanisme adaptatif qui permet de se protéger des représentations pulsionnelles inacceptable) et elle fera immédiatement vivre au sujet, quand elle se présentera à lui, cet « insupportable interne » ainsi que le risque social et individuel de la honte. L'appareil psychique du sujet n'a comme solution immédiate que l'évitement de cette motion pulsionnelle. En effet, la pulsion est un mécanisme interne, même si des éléments externes peuvent la solliciter. Donc pour éviter l'activation d'une pulsion il n'y a que deux solutions. Soit de s'aménager une vie qui permettrait d'éviter tous les stimulateurs externes de cette pulsion, mais cela ne permet pas de se protéger du risque interne d'activation de cette pulsion. Soit d'utiliser la répression immédiate dès que cette pulsion et ses modalité possibles de résolution sont activés. Car sous le coup de l'insupportable interne ressentit, le mécanisme de répression psychique qui a pour but de suspendre immédiatement l'enjeu pulsionnelle et donc la réalisation du but pulsionnel, va devenir le seul mécanisme de traitement de cette pulsion possible.

Je fais alors l'hypothèse que ces représentations pulsionnelles taboues sont maintenues hors de la conscience dans l'espace du préconscient par un mécanisme de répression sans cesse réactivé. En effet, à chaque fois qu'à la faveur d'un besoin interne ou d'une sollicitation dans l'environnement ces représentations préconscientes seront sollicités, elles auront tendance à revenir à la consciences nécessitant une dépense d'énergie pour ré-appliquer en urgence le mécanisme de répression psychique pour les relayer hors de la conscience, dans le préconscient, espace inconscient précaire. Ce mécanisme générant la nécessité d'un effort sans arrêt réactualisée. La répression devient alors un mode de fonctionnement très énergivore.

Parenthèse :

Cette pulsion est alors contenue par le mécanisme interne de répression psychique qui la renvoie hors de la conscience (l'aspect somatique de la pulsion, la tension interne, ne donne alors pas lieu à un mouvement pour la résoudre). La représentation interne de la pulsion est isolée du conscient car elle est inacceptable. Sauf que cette « intraitabilité » de la pulsion empêche que soit mis en place la transformation pulsionnelle qu'est le refoulement de cette pulsion groupalement inacceptable et qui vise justement à protéger le sujet de cette représentation inacceptable en maintenant durablement cette représentation pulsionnelle dans cet espace hors de la conscience qu'est le CA freudien. En effet pour que l'appareil psychique d'un sujet puisse intégrer la nécessité du refoulement d'une pulsion et le mettre en place, il faut déjà que cette pulsion ait pu être l'objet d'échanges, de discussions, de mentalisation, directs ou indirects mettant l'accent sur son aspect interdit. Pour qu'un interdit devienne un interdit il faut que l'interdiction soit formulée voir discuter. Quand la pulsion est inabordable ou insupportable au niveau familial ou groupal, toute situation où serait évoquée cette pulsion dans le groupe d'origine serait immédiatement écartée ou entrainerait des réactions de blocage voir de rejet.


Pourquoi cette répression psychique chronique va-t-elle être pathogène ?


1) L'épuisement de l'énergie, l'attaque narcissique, l'évitement etc.

Tout les éléments internes concernant cette pulsion sont donc sous contention (sensations corporelles, mouvements suscités, fantasmes associés et représentations générés). La pulsion devient alors intraitable, et le double mécanisme de répression des éléments pulsionnels et d'isolation de la représentation pulsionnelle dans le préconscient devient alors « définitif ». C'est à dire qu'il devient le mode de traitement à part entière de la pulsion. L'enjeu pulsionnel, avec ses représentations et ses sensations et ses modes de résolution doivent alors être maintenus en continue hors de la conscience alors que des sollicitations extérieures et intérieures vont régulièrement les appeler à la conscience. Cela entraine une lutte interne perpétuelle pour empêcher l'accès de cet enjeux pulsionnel à la conscience, ou alors un processus d'évitement de toutes les situations pouvant faire sollicitation, générant une forme d'isolement de la personne. Il y a plusieurs type d'isolement possible. La phobie sociale peut en être un, l'enfermement dans un milieu adapté à cet évitement peut en être un autre, et le rejet de tout, ce ou ceux, qui peut représenter un solliciteur de cette pulsion peut en être une autre, avec son extrême qu'est le fascisme, l'enfermement.

         Autrement dit, dans le cadre de la répression pathologique, la représentation pulsionnelle est donc maintenue dans le préconscient, menaçant alors, si elle revient à la conscience, de se ré-associer à la tension somatique et aux modalités de traitements bruts de la pulsion. Or le passage du préconscient au conscient est assez libre. Elle n'est donc pas contenue dans un espace réellement isolé de la conscience comme le ferait le refoulement.

C'est comme si vous aviez une maison avec des portes et des fenêtre mobiles mais sans serrure pour les maintenir fermées. Quand il y aurait du vent, elle menaceraient de s'ouvrir toutes seules, il faudrait donc dépenser une énergie importante en courant d'une ouverture à l'autre de manière à les maintenir à peut prêt fermée voir pour les refermer dès qu'elles s'ouvriraient, c'est à dire sans arrêt les jours de grands vent. C'est un peu la configuration de la répression pathologique, alors que le refoulement serait les portes et les fenêtres fermée à clé, c'est à dire maintenues fermées même en cas de vent. Du coup dès que la représentation pulsionnelle commence à pointer le bout de son nez à la conscience, le danger est grand en terme de narcissisme et de culpabilité ou de honte (quand le fenêtre ou la porte s'ouvre). Pourquoi ? Car ces représentations pulsionnelles inacceptables sont refoulées pour nous maintenir dans la croyance que nous ne les avons pas en nous, que ces pulsions ne nous habitent pas.

Pourquoi ? Car elles représentent quelque chose de tellement inacceptable dans la société, dans la culture (car cela variera selon les cultures) que si je me rendais compte que parfois cette pulsion me traverse, j'en serais moi-même affecté au niveau de l'estime que je me porte à moi-même, au niveau du respect, du regard, de la considération et de l'amour que je me porte à moi-même. Et j'en tirerais une culpabilité ou une honte écrasante, qui va de paire avec une vision de soi négative, qui peut aller jusqu'à une haine de soi. Ca serait donc relativement dangereux pour mon rapport à moi et mon inscription dans mon milieu social. Car, en effet, l'autre danger de cela c'est le risque d'être exclut du groupe social, d'être ostracisé, d'être mis de côté si le groupe sait que cette pulsion m'habite, ce qui représente un danger fondamental au sein d'une espèce qui fonde sa force et sa survie en grande partie sur l'association en groupe, ce qui est le cas chez les humains. Du coup il faut repousser cette représentation d'urgence hors de la conscience, dans le préconscient, (courir fermer ces fenêtres et portes qui s'entrouvrent), comme quand une pensée nous vient à l'esprit qui ne nous plait pas et que l'on la rejette. Sauf que là l'enjeu est plus grave que le simple déplaisir d'une pensée qui ne nous plait pas. L'enjeu c'est une vision de soi détérioré à l'idée de voir qu'une motion pulsionnelle tabou nous habite, et du coup une culpabilité potentiellement accompagnée d'une auto-punition ou d'un rejet. Une évocation, certes un peu caricaturale, mais illustrant bien ce phénomène se trouve dans l'ouvrage bien connu « Da vinci code ». Le moine Silas qui utilise cet instrument d'auto mortification, le cilice, sur sa cuisse pour se punir de ce qui traverse son esprit montre bien cette notion du danger qui guète le sujet dont une motion pulsionnelle taboue, plus ou moins tenue par la répression pathologique, commence à venir au conscient. Cela génère la honte, la dévalorisation de soi, la culpabilité et l'auto punition.

Et c'est ce qui, d'après moi, sera en partie générateur de symptômes psychiques, liés à cette attaque de soi-même, à l'angoisse du rejet, mais aussi à l'épuisement de l'énergie psychique que cela engendre de devoir sans arrêt renvoyer ou maintenir cette motion pulsionnelle dans le préconscient, comme une sorte de burn-out au sein de l'organisation interne.

2) L'attaque interne de l'enjeu de survie de l'espèce ou l'activation d'une angoisse fondamentale

Une autre hypothèse que je fais pour tenter de donner une explication à l'aspect pathogène de cette répression psychique chronique des pulsions, s'appuie sur l'articulation que j'ai proposé entre les instincts et les pulsions et la fonction de ces deux instances en nous, et notamment le fait que l'on pourrait appeler instincts des fonctions innés dont l'objectif serait de garantir la survie de l'espèce. La mise en acte concrète de ces instincts étant garantie entre autre par les pulsions. Dans ce cadre que je propose pour penser les instincts et les pulsions, une pulsion réprimée et bloquée dans un pseudo traitement psychique ne pourrait alors plus faire son office de garantir le ou les instincts qu'elle est censées mettre en acte, faisant alors frein à l'enjeu interne de survie de l'espèce. En général c'est l'objectif du mécanisme de transformation ou d'aménagement des pulsions que de permettre que les pulsions continuent à être des moteurs de l'application des instincts tout en restant en accord avec les exigences du collectif. Je fais l'hypothèse que la répression d'une pulsion fait qu'elle ne peut plus faire son office de garantir un instinct, mettant en péril l'enjeu de survie de l'espèce, cela génère alors une tension interne difficile à caractériser par le sujet lui même, finalement ressentie comme une angoisse dont la nature ne m'est pas encore apparue clairement, mais qui peut à mon avis être un facteur d'épuisement avec le temps, peut-être reliés à des syndromes anxio-dépressif diffus. Mais cette partie-là est plus délicate à mettre en évidence, elle reste pour l'instant une idée, une hypothèse basée uniquement sur le fait que cela me paraît logique, sans que je n'arrive à la préciser plus.

Qu'est ce qui fait alors la différence entre la répression pathogène et le refoulement ?

Le refoulement va traiter efficacement ce qui pose problème dans l'enjeux pulsionnel en l'isolant du conscient de manière sécurisante et définitive, alors que la répression pulsionnelle ne fait que suspendre tous les éléments de la pulsion en question. Son action est donc faite pour être temporaire.

Ce que le refoulement va mettre de côté dans l'enjeu pulsionnel se limitera à ce qui pose problème, à savoir :

- soit la représentation pulsionnel, donc l'inscription psychique de la pulsion. La pulsion elle même n'est donc pas concernée. L'enjeu est suspendu, la représentation encombrante est hors de la conscience, les éléments corporels de la pulsion sont présents mais relié à rien de problématiques et l'affect est géré. C'est ce qui permet que la pulsion qui est mis de côté dans l'inconscient refoulé, protégeant alors le sujet de l'inacceptable de cette pulsion, ne soit pas entièrement figée. Seuls les élément inacceptables sont caché au sujet le reste est géré pour ne pas donner lieu à un passage à l'acte.

- soit la modalité de satisfaction inacceptable de cette pulsion qui deviendra quelque chose qui ne sera même plus envisagé comme une possibilité appartenant au sujet.

La répression pulsionnelle va, elle, mettre en suspens tous les éléments qui concernent la pulsion : la tension interne, corporelle et mentale, désagréable, les mouvements suscités pour résoudre la pulsion, les fantasmes associés et les représentations générés.

En cela ça n'est pas un mode de traitement de la pulsion adapté, car il ne permet pas un fonctionnement fluide du sujet dans son environnement. On peut dire que c'est un mode de non traitement de la pulsion comme décrit précédemment. Une sorte de réaction d'urgence sans arrêt réactivée. Avec la répression pathogène, tout les éléments de la pulsion sont mis au placard. Les éléments somatique sont réprimés, la représentation psychique maintenue dans le préconscient et les modalités de traitement brutes interdites, réprimées aussi. Il n'y a donc plus d'élément disponible pour que cette pulsion soit traité par l'appareil psychique. Traitée c'est à dire, aménagée, sublimée ou refoulée. La tension continue d'exister, elle ne sera pas apaisée, il y aura juste une gestion de l'ordre de l'anesthésie, de l'oubli ou de l'habituation de cette tension quand elle est présente, ce qui provoque ce que l'on a vu.

Il est donc fondamental de différencier d'après moi :

- les situations où un certain mode de gestion d'une de ces pulsions amène à avoir une modalité de traitement de cette pulsion adaptative (aménagement, transformation ou refoulement) sans porter de jugement sur ce choix. Mais en partant du principe que ce mode de traitement de cette pulsion aide l'individu à évoluer au plus prêt de ses besoins dans son milieu (si c'est bien le cas). Donc sans générer de symptôme, de tension interne extrême ou du malaise excessif. Cela implique de n'être pas dans une réflexion qui s'ancre dans un enjeu de normalité comportementale (rapport à la norme), mais où une manière d'être, même hors norme, peut être un choix et mener à une auto réalisation satisfaisante.

- et les situations ou le mode gestion d'une pulsion est bloqué par une répression pulsionnelle pathogène, comme traitement de la pulsion, sous tendue par des interdits moralistes très forts, ce qui génère un rapport à cette pulsion et à tout ce qui s'y rapporte fait de tension et d'angoisse.

Par exemple, ce n'est pas la même chose de faire le choix de la non violence et ainsi rejeter, en stoppant ou dénonçant, toute réaction qui est une forme de violence faite à un autre ou à soi même (transformation pulsionnelle de l'ordre de la sublimation et du refoulement), ou d'être dans un évitement systématique évident (pouvant aller jusqu'à l'isolement) de toute situation relationnelle allant du désaccord jusqu'au conflit, car cela pourrait s'orienter vers une tension qui s'apparenterait à de la violence, ce qui s'apparenterait clairement à une impossibilité de traiter intérieurement la pulsion de destruction (violente).


Du coup, quelles pulsions sont concernés ?


      Pour penser rationnellement les pulsions qui seraient susceptibles de générer cette répression pathogène, il faut se poser la question : quelles pulsions peuvent susciter une réaction groupale de l'ordre de l'interdit, du rejet ? Autrement dit, quelle pulsions susceptibles de toucher et de devenir un tabou groupal ? Ceci en s'appuyant sur ce qui pourrait générer cet interdit dans le groupe familial ou un groupe plus élargi. On a déjà parlé des plus évidentes, la pulsion sexuelle (basée sur un interdit d'avoir des relations sexuelles mais plus largement dans certains groupe sur l'interdit du plaisir sexuel menant plus largement à l'interdit d'évoquer la question du sexe, des organes génitaux et de la sexualité), les pulsions agressive et de destruction ( comme vu précédemment générant un rejet de tout ce qui peut s'apparenter à de la confrontation, de la colère, ou l'expression d'une opposition ou d'un conflit). On peut facilement élargir cette réflexion à la pulsion anale (qui représente la saleté, les excréments) et qui pourrait mener à des symptômes de rejet de toute trace de saleté jusqu'à la phobie, la pulsion K (quand on estime que le savoir ne nous est pas autorisé ou accessible et que cela va jusqu'à l’assimilation entre savoir et classe sociale inaccessible ou à rejeter) qui pourrait mener à un blocage intellectuel dans les apprentissages. On peut aussi penser à l'anorexie et la boulimie qui pourraient être liées à un traitement impossible de la pulsion orale qui générerait alors ces symptômes alimentaires envahissant au passage les relations concernées par cet enjeu de nourrissage. Mais encore à la pulsion scopique qui pourrait être réprimée (« la curiosité est un vilain défaut ! » que l'on a entendu dans notre enfance) générant de l'impossibilité à regarder les choses les gens, à s'intéresser, à découvrir de nouvelles choses, apprendre, se montrer, etc.

De fait, c'est encore une nuance que j'apporterais par rapport à la théorie freudienne, nuance qui me semble vraiment fondamentale, c'est que ce mécanisme pathogène (de création de symptômes) ne se limite pas aux pulsions sexuelles refoulées. Pour moi, la création de symptômes psychiques liée à notre rapport à nos pulsions, à la lumière de l'hypothèse qu'est le mécanisme de répression pathogène, peut concerner toutes les pulsions. Même si les pulsions sexuelle, agressives et destructives semblent logiquement les plus concernées, car se sont celles qui sont le plus sujet à des interdits sociétaux strictes. Cependant pour moi toutes les pulsions peuvent prendre, pour un sujet ou pour un groupe, une dimension inacceptable, devenir un tabou. La répression pathogène alors générée pas l'impossibilité de traiter psychiquement cette pulsion pouvant alors générer du symptôme.

Au niveau clinique il sera important d'observer, d'être à l'écoute, de tous les éléments qui permettent d'entendre le rapport d'un sujet à ses pulsions, toutes ses pulsions, pour pouvoir évaluer l'éventualité que l'une de ces pulsions soit sous le joug d'un mécanisme de répression pathogène. Comme toute pulsion peut potentiellement être concernée par une répression pathogène, on peut penser plusieurs symptômes psychiques connus à l'aune de cette approche. Ils prennent alors une dimension différente.

Tentons d'élargir cette réflexion.

 

Tentative de revue non exhaustive des symptômes et des pulsions qui pourraient être concernés par ce mécanisme symptogène ?

     La réflexion que je propose ici est un modèle dont on verra s'il est pertinent en le mettant à l'épreuve de la clinique, par exemple en se posant la question de ce qui pourrait, dans une famille ou un groupe d'appartenance, générer la répression pathogène de telle ou telle autre pulsion.

Comme dit précédemment, on perçoit facilement l'enjeux de la répression pathogène quand on l'applique à la pulsion sexuelle en lien avec certaines doctrines religieuses ou des tabous familiaux pouvant générer des blocages sexuels, des empêchements relationnels, comme : l'impossibilité de nouer des relations amoureuses, des blocages dans les relations aux autres en général par peur du rapprochement et des désirs ou des sollicitations sexuelles que cela pourrait générer. Cela peut alors mener à de l'enfermement, de l'isolement, une désocialisation, pouvant à la longue générer des troubles anxio-dépressifs. On peut aussi faire l'hypothèse qu'elle pourrait générer des troubles narcissiques liés à la conception de la sexualité dans nos société (l'homme phallique, l'injonction à la liberté sexuelle ou l'injonction à une sexualité épanouie). Enfin on peut imaginer des troubles lié à la frustration sexuelle que cela engendrerait, comme des passage à l'acte sexuels sur autrui sans consentement (viol, exhibitionnisme, voyeurisme), des pratiques interdites (délinquance sexuelle) compulsives et pathologiques, signes d'une sexualité impossible à penser et donc à vivre de manière relationnellement acceptable, assumée et satisfaisante.

De même pour la pulsion agressive dans un milieu rejetant tout enjeu de confrontation, toute possibilité de conflictualisation, lié peut-être à des traumas familiaux ou à des violence vécues. Générant alors une angoisse face aux situations pouvant générer un désaccord et une fuite systématique ou une inhibition face au conflit ou à toute tension relationnelle, voir un évitement de toute relation sociale (phobie sociale). Cela peut aboutir aussi à une position de victime répétée.

Ou encore la répression de la pulsion K (ou épistémophilique) dans une famille cantonné socialement à un mode de réalisation de soi axé sur le faire car prise dans un clivage faire/savoir, où le savoir serait associé à quelque chose d'inaccessible, à une autre classe sociale qui pourrait générer un blocage lié aux apprentissages, des difficultés à retenir ou à comprendre à s'intéresser.

Ou encore un milieu où l'idéal de vie est centré sur le fait de ne pas s'accrocher aux possessions matérielles et qui pourrait mener à la répression de la pulsion d'appropriation. Cette répression pourrait générer des vécu de dénuement, d'insécurité matérielle, voir une situation de précarisation plus ou moins importante, choisie (qui ne serait donc pas un symptôme) ou subie.

On peut aussi faire l'hypothèse qu'une répression pathogène de la pulsion d'interpellation (d'expression) structurée autour d'un interdit familial de s'exprimer, de s'affirmer, d'une injonction à rester discret, à ne pas faire de bruit, voir à se taire, pourrait générer des symptômes d'inhibition importante, voir même des retards de langage. On peut observer cela dans certaine cultures où une partie du groupe n'a pas le droit à la parole, les enfants, les femme, les ouvriers, les intouchables etc. On peut aussi faire l'hypothèse que certains mutisme ou difficultés d'affirmation de soi pourraient être relié à la répression durable de cette pulsion d'interpellation.

La répression psychique pathogène de la pulsion scopique pourrait être à l'origine de certaines conduites d'isolement de son environnement pour éviter toute stimulation de la curiosité lié à la découverte de son environnement ou des autres, ou éventuellement à certaine cécités psychogènes. Dans la même logique que pour la pulsion scopique, on peut faire l'hypothèse qu'une répression pathogène de la pulsion de découverte, sous le poids d'un interdit à voir l'autre ou l'ailleurs, par le danger que peut représenter l'inconnu, pourrait pousser à des considérations identitaires voir fascistes, dans une une attitude symptomatique de fermeture à l'autre et à tout ce qui est différent, ce qui peut généré des position de repli sur du même allant à l'isolement dans son milieu familier, pouvant générer tout les type de discriminations ou un immobilisme, figé dans son lieu d'origine avec une peur de bouger.

De même pour la répression pathogène de la pulsion de déplacement, par la peur de la séparation ou de la perte de l'autre qui part, ou de la solitude, ou l'illégitimité à habiter un autre lieu que le lieu familial qu'elle générerait, pourrait être à l'origine d'un immobilisme, de l'impossibilité de bouger de son milieu voir de son lieu d'origine physique ou psychique.

La répression pathogène de la pulsion de trace par un interdit groupal de salir, de tacher, de se faire remarquer, de se singulariser, pourrait entrainer une forme de retrait, de discrétion, une tendance à se faire oublier ou à se fondre dans la masse par une normopathie ou alors de la difficulté à se sentir ancré dans son milieu, reconnu par les autres, à se sentir existant au milieu des autres. Amenant donc à une difficulté à s'affirmer, à savoir se distinguer des autres (se sentir exister en tant que sujet distinct) tout en se sentant relié à ces mêmes autres par leur reconnaissance (trouble de l'affirmation de soi).

Comme vu précédemment, la répression pathogène de la pulsion orale pourrait être en lien avec certains troubles alimentaires comme l'anorexie ou la boulimie, impossibilité de penser le rapport à l'ingestion de la nourriture enjeu de la pulsion orale.

A la suite de Freud on peut relier à la répression pathogène de la pulsion anale des problématiques liées au contrôle ou à la propreté comme les troubles obsessionnels compulsifs, mais aussi certains troubles fonctionnels assez souvent considéré comme ayant une potentielle composante psychosomatique comme la constipation voir des occlusions intestinales à répétition.

Concernant la pulsion urétrale là encore la question du contrôle peut être convoquée en cas de répression durable de cette pulsion (l'urètre étant le conduit par lequel on vide la vessie de l'urine qu'il contient, donc par lequel on fait pipi).

La répression pathogène de la pulsion d'agrégation ou d'agroupement pourrait être associée à des mouvements d'isolement ou des conduites inconscientes d'attaque du liens ou conduisants régulièrement au rejet par l'environnement, de désocialisation.

La répression pathogène de la pulsion d'agrippement pourrait être associé à la difficulté à se sentir relier aux autres, accroché en toute sécurité à son milieu d'appartenance, ce qui permet de pouvoir s'en éloigner sans danger, et par extension à l'impossibilité de s'éloigner de son milieu familier, par peur de le perdre, des sensations de ne pas se sentir tenu, une inquiétude face à la liberté (sentiment d'insécurité affective), ce que l'on peut retrouver dans les troubles abandonniques et les personnalité limites.

La répression de la pulsion de manipuler (qui génère le mouvement d'attraper) par l'interdit de toucher avec ses doigts, de mettre ses mains, par peur de se salir ou de casser, elle pourrait être la cause de fort sentiment d'impuissance à agir sur ou dans son environnement et donc à la sensation de subir tout le temps ce qui pourrait être en lien avec des vécus d'anxiété ou de dépression, ou des situations répétitives d'être en position de victime.

La répression pathogène de la pulsion de destruction, en générant le rejet de tout éléments relié à la violence, pourrait entrainer une impossibilité à se défendre face à la violence de l'autre, à s'affirmer, à réagir, à s'enfuir, pris dans la terreur face à tout ce qui relève de la violence. Ceci maximisant le risque d'être traumatisé psychiquement par ces situations.

La répression pathologique de la pulsion homéostasique pourrait favoriser l'enfermement dans la maladie le mal être sans pouvoir réagir pour trouver dans solutions de soin pour s'en sortir. Ce sont des exemples de la manière dont on pourrait penser l'effet pathogène de la répression de ces pulsions.

 

Ce sont des hypothèses et pour l'instant rien n'a été vérifier expérimentalement. Cependant il est important de proposer de nouveaux modèles pour penser les symptômes psychiques.



En résumé on peut lister les effets délétères de ce type de fonctionnement dont le mode d'action est la répression psychique pathogène concernant une pulsion :

- accaparement de ressources psychiques (utilisation d'énergie pour renvoyer en urgence un élément d'une pulsion rendue tabou quand elle est convoqué à la conscience par une sollicitation externe ou interne)

- nécessité de l'évitement de toute situation stimulant une représentation dans le conscient de la pulsion en question qui va forcément générer une certaine rigidité dans le fonctionnement psychique,

- labilité émotionnelle, lié à l'utilisation perpétuelle d'une part de l'énergie disponible pour maintenir au maximum cette pulsion dans le préconscient, ou l'y repousser d'urgence,

- fragilité narcissique par l'image que cela peut renvoyer d'elle même à la personne qui se confronte même brièvement au passage dans la conscience de cette motion pulsionnelle tellement inacceptable et du coup anxiété lié à,l'incertitude du lien au groupe d'appartenance, et symptôme dépressif lié à l'épuisement psychique.

C'est à dire que ce fonctionnement psychique a toute les chance, à moyen ou long terme, de mener à un épuisement voir à un effondrement.

Pour faire face à cela, parfois, l'appareil psychique va enrober ce fonctionnement en lui donnant une apparence interne de normalité pour le sujet, ainsi la personne ne notera plus cet aller-retour en elle pour maintenir la répression pulsionnelle. Au niveau corporel, la tension à l'origine de la pulsion, et l'énergie investit pour la résoudre, vont être réinvestit dans un enjeu très étranger à la pulsion pour éviter que cela ne puisse trahir pour le sujet le lien avec cette pulsion interdite. Cette énergie va alors pouvoir se décharger dans ce symptôme protégeant à minima la personne. Ce dernier phénomène de symptogènese correspond à ce qu’énonçait Freud avec le terme de « formation de compromis ». Lui ne différenciait pas les mécanismes de répression pathologique et de refoulement, alors que pour moi la différence entre ces deux mécanismes psychiques est assez claire.


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