INTRODUCTION A LA NOTION DE PSYCHISME

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Ecrit en février 2013

Publié sur le web en décembre 2017

 

Le psychisme qu'est ce que c'est ?

 

 

 

C'est une question primordiale en psychologie clinique et plus généralement pour la compréhension de notre fonctionnement :

 

Qu'est ce que le psychisme ? Qu'appelle-t-on le psychisme ? Comment penser le psychisme ?

 

Ces questions m'habitent depuis le début de mes études en psychologie. Qu'est ce que cette entité abstraite avec laquelle nous vivons au quotidien, qui n'est pas confondable avec l'appareil neurologique, même s'il s'appuie dessus ?

 

De cette entité en nous dépendent :

 

  • notre sentiment de nous même, pris dans les liens aux autres,

  • les processus internes qui nous permettent d'aller un peu plus loin que la perception, la réaction et la mémorisation.

 

La compréhension que l'on a du psychisme est l'objet central de la psychologie clinique.

 

Et de fait la compréhension que l'on a de notre fonctionnement mental, émotionnel, fantasmatique, cognitif, neurologique, etc. bref de notre fonctionnement psychique, va guider notre manière d'intervenir pour accompagner quelqu'un qui nous demande une aide psychologique.

 

Cette question est donc primordiale mais elle est surtout bien complexe dans le sens où il y a une multitude de réponses possibles. Il n'y a pas un savoir clair, net et précis sur cette nébuleuse qu'est la sphère « PSYCHIQUE » en nous même.

 

Je propose donc ce texte pour tenter de transmettre ce qu'est le psychisme pour moi. Je n'invente pas grand chose, je reprends et parfois prolonge, ce que d'autres ont brillamment conceptualisé avant moi et qui me semble donner un sens à ce mystère en soi.

 

D'abord, pour moi, le terme « psychisme » n'est pas bien clair. Il laisse entrevoir tantôt quelque chose de très abstrait, presque inabordable hors de la théorie, tantôt quelque chose de très concret, comme un organe. Or il n'en est rien, on sait bien que l'organe sur lequel repose cette notion de « psychisme » existe, c'est le cerveau. Mais le cerveau n'est pas le psychisme, il en est la matière sur laquelle il va se construire. Il en est le support.

 

 

 

L'appareil psychique

 

 

 

A la notion de psychisme je préfère celle d'appareil psychique qui a été proposée par Freud.

 

Pourquoi : appareil psychique ?

 

D'abord parce que le mot psychisme renvoie à une entité un peu flou, difficilement définissable dont on ne sait plus si c'est un concept théorique, une simple notion ou une sorte d'organe immatériel. On a bien l'idée que cela renvoie à une modalité de fonctionnement, le fonctionnement psychique, et aussi à quelque chose de l'ordre du mental. On reste alors dans un entre deux, un flou se situant entre idée abstraite et structure concrète, quelque chose qui se joue dans notre tête, même si cela parle parfois de notre corps, qui renvoie peut être au rapport à soi même, à la notion d'identité ou à des mécanismes internes symboliques qui viennent habiter notre esprit dans certaines situations. Cela renvoie donc à quelque chose de trop abstrait à mon sens, assez insaisissable et de ce fait, pas forcément simple à penser.

 

L'appareil psychique c'est une notion freudienne. C'est à dire que Freud en propose le terme vers 1900 pour décrire certains processus de la vie mentale. Le côté fonctionnel du terme « appareil » nous rappelle l'attachement de Freud à une approche influencée par sa spécialité première, la neurologie. Cela montre son aspiration sans arrêt réaffirmée à créer une psychologie « scientifique » au travers de ses réflexions conduisants à l'élaboration de la psychanalyse. Son idée n'était clairement pas d'élaborer des théories totalement abstraites pour tenter d'évoquer les méandres du fonctionnement de la vie mentale, ni de faire des détours intellectualistes sur ses mécanismes d'action. Sont but n'était pas de faire une psychologie philosophique. Il énonce en effet régulièrement au sein de ses ouvrages son projet que la psychanalyse décrive des processus spécifiques se retrouvant dans la vie intérieure des humains.

 

Ce terme d'appareil psychique nous invite à penser cette instance en nous comme ayant une utilité observable, tout en la différenciant du cerveau et du fonctionnement cérébral. En effet il ne semble pas pertinent de traiter l'appareil psychique comme un organe, même si le terme d'appareil crée une certaine confusion.

 

Il me semble alors important et intéressant de penser les fonctions de cet appareil psychique.

 

 

 

A quoi sert notre appareil psychique ?

 

 

 

Qu'est ce qu'il nous a apporté à nous humains pour nous permettre de nous adapter dans notre milieu naturel ? En quoi a-t-il représenté une évolution qui a servit la survie de notre espèce partout sur le globe ? En quoi cette fonction si spécifique à nous humains nous a permis un traitement particulier de notre environnement ? En quoi cet ensemble de processus internes a-t-il influencé notre interaction avec l’extérieur, que ce soient les autres, la nature, les éléments, la matière... ?

 

Ce au point que cela nous amène, nous humains, à avoir dans ce monde une position très particulière, caractérisée par une velléité de contrôle sur tout (pour nous garantir un certaine sécurité), mais aussi une capacité inventive, créative et une évolution technologique assez fascinante, par rapport au reste du monde animal. Cela semble bien être la caractéristique de notre fonctionnement à nous autres animaux humains au milieu des autres espèces animales, qui ont, elles mêmes, des spécificités propres de fonctionnement qui leur permettent de survivre.

 

Un corps d'essence animale et un appareil psychique complexe, stratégie évolutive caractérisant l'espèce humaine dans son ensemble.

 

La notion d'appareil psychique intègre donc l'idée d'un travail psychique. C'est à dire d'une action concrète en nous, même si elle traite d'éléments abstraits, immatériels, symboliques.

 

 

 

Le travail psychique

 

 

 

La question qui peut se poser est alors : que concerne ce travail, que traite-t-il ? Comment ? Et dans quel but ?

 

On peut tous sentir, pour l'expérimenter au quotidien, que ce travail de l'appareil psychique concerne notre monde interne qui se construit au fur et à mesure de notre histoire. Ce monde interne est différent du monde dans lequel nous évoluons, qui est lui extérieur à nous et que certains appellent le monde réel. Notre monde interne se construit avec les éléments de ce monde externe que nous intériorisons. Ces éléments, en les faisant notre, nous les personnalisons sans même nous en rendre compte. Alors qu'ils nous semblent identiques, conformes, fidèles aux éléments correspondant du monde réel, en fait ils sont transformés par notre perception et par l'interprétation que nous en faisons en fonction de ce que nous ressentons à leur contact. Ils s’inscrivent alors en nous de manière personnalisé. Ces éléments deviennent alors des représentations internes.

 

Remarque :

 

Je dois préciser qu'une représentation interne est différent d'une simple mémorisation. Si une mémorisation est l'inscription interne d'une information, une représentation interne est un élément mémorisé qui va être intimement relié en nous à d'autre éléments lui donnant pour nous une coloration spécifique, une dimension spécifique, un sens spécifique. Cet élément ainsi intériorisé va alors nous concerner intimement. Du coup la représentation prend en nous une dimension particulière en ce sens qu'elle s'appuie sur le processus de symbolisation (un élément abstrait, interne, vient représenter un élément concret, externe) et aussi sur la subjectivité (chacun a un vécu particulier dans le monde réel qui lui fait l'intérioriser de manière personnelle).

 

Remarque bis :

 

Une symbolisation c'est un processus interne qui permet que quelque chose vienne représenter quelque chose d'autre. Cela permet de faire exister cette deuxième chose en son absence. Les mots sont en ce sens des symbolisations. Un mot vient représenter la chose qu'il nomme. Cette chose nommée vient alors exister en nous sous forme d'une image intérieure alors même qu'elle est absente concrètement, matériellement.

 

L'ensemble de ces représentations forme notre réalité personnelle, subjective, qui constitue une part importante de notre monde interne. Et il influence de manière fondamentale notre rapport au monde externe.Une partie importante de notre monde interne est alors composé des éléments du monde externe, réel, que nous avons intériorisé.

 

La manière dont nous nous appréhendons nous même, notre corps, nos sensations corporelles, notre image, notre valeur, notre identité, nos aspirations, nos envies, nos gouts, nos attirances et affinités, constituent une autre partie de notre monde interne. Il influencera notre rapport à nous même et aux autres.

 

Nos liens, nos attachements, nos émotions, nos ressentis sont d'autres éléments de notre monde interne. Il y en a encore d'autres assurément.

 

 

 

Retour sur le terme APPAREIL

 

 

 

Pourquoi l'utilisation du terme appareil, quel est le sens de cette analogie ? Qu'est ce qu'un appareil dans notre monde moderne ?

 

C'est quelque chose qui agit pour transformer de la matière brute en quelque chose d'élaboré, d'utilisable. Prenons des exemples d'appareils de notre vie quotidienne et voyons à quoi ils servent. Un grille pain permet à partir de pain de faire du pain grillé, une chaine stéréo, permet à partir d'un signal radio ou d'un support portant une information, de transformer des impulsions électromagnétiques en un son compréhensible et/ou agréable. Une chaudière permet de transformer une énergie contenue dans une matière brute en chaleur pour la propulser vers un lieu choisi, etc.

 

D'ailleurs le terme d'appareil est de la même manière utilisé pour nommer les grande fonctions de notre corps, qui vont transformer ce qui vient de l’extérieur en quelque chose qui sert à maintenir en vie notre organisme. L'appareil digestif (transformation des aliments en éléments pour la constitution et le fonctionnement du corps), l'appareil locomoteur (transformation d'énergie en mouvement), l'appareil visuel (transformation de la lumière en images, en informations visuelles), l'appareil auditif, l'appareil respiratoire, l'appareil reproductif, l'appareil circulatoire, etc.

 

Un appareil c'est donc quelque chose qui transforme !

 

 

 

D'accord et du coup pourquoi l'appareil psychique ?

 

 

 

Reprenons l'idée du travail psychique développée précédemment, il y a le monde qui nous entoure, le monde réel, il y a notre corps, le corps réel, et tout cela recoupe ce que Lacan appelle le REEL. Or nous vivons dans et avec ce réel, il nous faut donc faire avec ce réel, c'est la vie. L’intériorisation en nous de ce réel, après perception et interprétation devient notre réalité interne. C'est très différent car le réel c'est ce qui est, alors que notre réalité c'est ce qui est inscrit en nous, c'est le réel transformé par nous.

 

Ainsi le réel est impossible à capter vraiment car pour créer notre monde interne nous devons intérioriser le réel et pour l'intérioriser nous le transformons en représentations internes. Ce qui constituera notre monde interne, notre réalité, est forcément une représentation du réel.

 

Ce qui nous permet de capter les éléments du réel, ce sont les 5 sens, les portes d'entrée du réel en nous. C'est le sensoriel. C'est ce qui nous permet d'évoluer dans ce réel et d'y survivre. Ces informations sensorielles, au début de notre vie, nous ne savons pas les décoder. Nous sommes dépendant de notre entourage, qui va nous permettre de survivre dans cet environnement réel dans une période où nous ne savons pas y faire face. Notre entourage nous accompagne dans cette survie et nous aide à apprendre, petit à petit à comprendre, traduire et interpréter nos perceptions. Ceci pour pouvoir nous en servir et ainsi être en capacité de réagir, d'interagir, ce qui oeuvre pour notre survie. C'est, à ce niveau, l'appareil neurologique qui est sollicité. Il a comme fonction celle de traiter le matériel brut capté par nos sens pour l'amener à l’intérieur de nous. C'est la fonction de base de l'appareil neurologique : trier et interpréter les perceptions, intérioriser les stimuli captés et en faire du « matériel » utilisable par nous pour que cela devienne des informations immédiates qui nous permettent de réagir aux situations que nous rencontrons. Il y a aussi l'inscription interne, la mémorisation qui crée l’expérience. Cela renforce progressivement notre capacité à répondre de manière adaptée aux situations du réel et du coup notre capacité d'autoconservation.

 

On peut alors percevoir un mode de fonctionnement primaire, brut :

 

C'est un mode de fonctionnement par pulsion – réactions et émotions-réactions. L'individu capte des informations par ses sens, celles-ci génèrent ou non une réaction, qu'elle soit pulsionnelle, réflexe ou apprise, en lien avec l'expérience de chacun.

 

L'émotion a une fonction l'alerte-réaction.

 

Nos réactions (les actions que nous posons en fonction d'une situation) sont largement influencées par notre expérience. De fait plus on a d’expérience plus on agit de manière adaptée sachant que l'enjeu principale est l'autoconservation et la survie de l'espèce. L'expérience se fait grâce à la mémorisation qui est elle-même teintée et renforcée par les émotions associées aux situations vécues. Ces modes de réaction sont permis par le bon fonctionnement de l'appareil neurologique constitué par le cerveau et le système nerveux.

 

Puis il y a le mode de fonctionnement humain :

 

L'évolution de l'être humain l'a amené à développer un autre mode de fonctionnement. On peut discuter de ce qui dans son histoire a amené ces évolutions mais ça ne sera pas l'objet de cette réflexion. Ce qui semble évident, c'est que parmi les spécificités qui ont permis à l'espèce humaine de survivre, le fait de s'organiser en groupe a été un élément important. Ceci couplé à un certain nombre d'éléments complémentaires, comme le pouce opposable (qui a facilité la préhension et donc le développement de technologies), la verticalisation (marcher sur deux jambes), l'alimentation, le développement d'échanges de plus en plus complexe dans les groupe aboutissant à l'apparition de langages, la capacité de symbolisation, qui va avec le langage, et donc la capacité d'abstraction, l'imagination, la créativité, l'inventivité, etc, ont abouti à cette forme si particulière d'être au monde qui caractérise l'être humain.

 

On peut dire sans trop risquer de se tromper que ce qui permet ce mode de fonctionnement si particulier c'est l'appareil psychique. On peut d'ailleurs faire l'hypothèse vertigineuse qu'il est encore en pleine évolution.

 

Or d'après moi ce qui est si actif dans le travail de l'appareil psychique, comme je l'ai évoqué précédemment, c'est sa faculté de transformation.

 

 

 

La fonction de transformation de l'appareil psychique

 

 

 

Donc comme tout appareil, conformément à ce que j'ai proposé précédemment, la spécificité principale de l'appareil psychique, c'est sa capacité de transformation des éléments en nous.

 

Je perçois deux types de transformation :

 

- La transformation des éléments du réel externes en des éléments internes, dont nous avons déjà parlé précédemment. Ces éléments internes vont créer une représentation interne du monde, malléable et utilisables, pour faire face au monde réel et à ses aléas. Ce monde interne propre à chacun devient notre réalité personnelle. Notre monde interne est créé de manière à être fonctionnel, ça n'est donc pas une simple transformation du concret en abstrait, du matériel extérieur en immatériel mental, ça n'est pas une simple mémorisation. Comme nous l'avons vu précédemment c'est une appropriation. Cette transformation complexe vise à créer en nous une représentation du réel assez apaisée pour limiter l'angoisse générée par les règles de fonctionnement brutales qui régissent le réel : manger ou être mangé, la mort, la fragilité et la destructibilité du corps, la force des éléments, l'importance négligeable d'un être si on le met en rapport à l'immensité du monde etc, tout en maintenant cette représentation interne assez proche du fonctionnement du réel auquel nous appartenons, et dans le quel nous évoluons, pour y rester adapté et ainsi y survivre.

 

Cette transformation doit donc s'équilibrer entre ces deux pôles pour garantir notre survie. Trop proche du réel alors l'angoisse nous paralyse, trop loin du réel et nous ne sommes plus adapté à notre monde qui nous englouti alors.

 

Ces éléments internes ou représentations internes ont donc une réelle fonction adaptative. Connaitre, prévoir, décharger (par le langage ou par l'imagination), adresser (par le langage), transformer (par la pensée, par le langage, par la figuration), faire exister en soi (symboliser), imaginer, fantasmer, créer, inventer (tout cela grâce à la possibilité d'utiliser, de manipuler tout ces éléments abstraits en nous même). Ce sont là des fonctions permises par la transformation du réel en représentations internes.

 

- La transformation des éléments internes bruts (mentaux et corporels) en des éléments secondarisés, c'est à dire conformes à la loi commune, autrement dit expurgé de toute destructivité, pour permettre la vie à plusieurs, la vie en communauté.

 

Secondariser veut alors dire débarrassé des éléments destructifs dans certaines situations. C'est à dire faire qu'une situation ne donne pas lieu à une réaction agit qui pourrait être destructive pour une ou plusieurs autres personnes du groupe. Cela permet alors que des situations qui aurait pu générer une réaction brute destructive en nous puisse se présenter sans que cela ne génère une réaction violente pouvant nuire à l'intégrité de membres du groupe, car cela mettrait en péril l'unité du groupe.

 

En effet, pour que les groupes soient des lieux de coopération, car c'est le fonctionnement qui nous donne le plus de chance de survivre dans le réel, il a donc fallu une évolution des relations pour que chaque sujet du groupe respecte les autres sujets du groupe pour éviter que le groupe ne s'autodétruise. Ainsi aller vers plus de coopération a garanti notre mode de vie en commun, a renforcé nos liens.

 

On peut alors dire plus synthétiquement de notre appareil psychique qu'il nous permet d'être de mieux en mieux adapté au monde extérieur en créant ce monde intérieur qui s'appuie sur nos expériences, permettant une certaine prévisibilité et donc une meilleure réactivité face aux situations qui se présentent tout en garantissant l'intégrité et les liens du groupe car il nous permet de créer les conditions favorisant la mise en place de ce sur quoi nous humains, animaux grégaires, avons misé notre survie : le rassemblement en groupe, clan, tribus, société, qui a donné lieu à des liens sociaux complexes.

 

 

 

La deuxième transformation : la secondarisation qui permet les liens de groupe

 

 

 

Nous avons déjà approfondi la première transformation en jeu dans l'appareil psychique, or évidemment la deuxième fonction de transformation, désactivation, mérite que l'on s'y attarde aussi car, si elle découle de la première (création de représentations interne à partir du monde réel) elle est tout à fait fascinante quand on voit ce à quoi elle aboutit en nous et entre nous. Elle est aussi celle qui fait sans arrêt débat dans nos sociétés.

 

Elle a une importance particulière dans notre réflexion car la spécificité des liens groupaux chez l'humain est de garantir à chaque membres, même les plus fragiles, sa survie dans le groupe. Le groupe a donc cette fonction de garantir à chacun de ses membres une protection face aux dangers venant de l’extérieur, mais aussi et surtout de proposer un cadre dans le groupe pour garantir une protection à chaque membre face aux dangers venants de l’intérieur du groupe, en posant des limites aux comportements destructifs de certains membres (les plus forts) vis à vis des autres. A l'inverse du fonctionnement primaire, dans le fonctionnement secondarisé, celui qui est exclu du collectif n'est plus le rival du dominant, mais celui qui nuit à l'équilibre groupale en menaçant l'intégrité des autres. C'est l'enjeu et la fonction de la loi qui la plupart du temps interdit le meurtre et les violences (en tout genre). Il a donc fallu que se mette en place chez chaque sujet une fonction interne permettant de transformer les éléments internes et comportementaux bruts et potentiellement destructifs en éléments internes et comportementaux secondarisés, en adéquation avec la vie en groupe et ses loi pour que chacun ne soit pas une menace pour les autres, ceci garantissant la survie de chaque individu et par extension du groupe.

 

Comment fonctionne en gros cette secondarisation ?

 

Il y a deux temps, d'abord la suspension de la réaction primaire dans certaines situations groupales, quand cette réaction primaire va nuire à quelqu'un du groupe, soi ou un autre. Et ensuite la transformation en nous de l'enjeu ou de l'impact de cette situation, pour qu'elle ne mène plus à une réaction destructrice.

 

Par exemple nous avons tous appris à de pas donner un coup de poing à quelqu'un d'autre juste parce que ce qu'il a fait nous a gêné ou déplu. Nous avons transformé notre réaction primaire agressive voir violente en une expression socialement acceptable de notre mécontentement, par exemple en l'exprimant à d'autre par des mots possiblement teinté de colère.

 

L'humain aspire donc à s'éloigner du fonctionnement de meute basé sur la loi du plus fort, sur l'enjeu de pouvoir de certains sur les autres.

 

Ainsi si l'appareil neurologique transforme l'information brute extérieure en information interne interprétable, l'appareil psychique, après avoir transformé ces informations internes interprétables en représentation interne nourrissant un monde interne toujours en construction, vient lui, gérer notre vie interne en modulant les éléments internes primaires pour en faire des éléments secondarisés externalisable garantissant un équilibre complexe entre satisfaction individuelle, subjectivité et garantie des liens du groupe, protections des autres membres du groupe par rapport à nos mouvements potentiellement dommageable pour eux.

 

Ainsi, appartenir à un groupe (partager du commun avec les autres membres du groupe notamment la loi) permet d'être un individu différencié, un sujet, non soumis au pouvoir tout puissant d'un dominant ou d'une dominante (ce qui se passe dans une horde, une meute ou une dictature). Tout le monde est soumis à une loi commune à laquelle on adhère et qui nous relie. Tout du moins il me semble que c'est l'idéal humain vers lequel on tente de tendre, même si dans encore beaucoup de situation la loi du plus fort ou du dominant continue à exister de manière plus ou moins camouflée. (les dictatures, les écrasantes morales religieuses, le pouvoir tyrannique d'un chefaillon, le harcèlement dans les cours d'école, l'écrasante loi paternaliste, la soumission maintenue par des menaces, le harcèlement sexuel, la maltraitance en générale, les attitudes machistes, etc)

 

En fait nos société sont sans arrêt traversée par les tentatives de soumission de l'autre pour de fausses bonnes raisons. Mais l'idéal humain semble tendre vers la disparition de cela et c'est le travail de l'appareil psychique qui nous y mènera, peut-être...

 

La tout puissance d'un dominant sur les autres renvoie à un fonctionnement pulsionnel brut où il y a un pseudo sujet qui décide et jouit pour tous et des objets qui l'entourent, soumis pour la jouissance de ce dominant. Ce fonctionnement s'appuie sur les illusions de toute puissance et d'indifférenciation. Les autres étant vécus comme des objets, peu différenciés du pseudo sujet dominant, qu'il utilise selon son désir.

 

Alors que l’adhésion à une loi commune renvoie à une logique de subjectivité multiple, où la subjectivité de chacun est garantie par cette loi. Elle s'appuie sur :

 

  • une intégration de la différenciation de chacun (chacun est unique, différent des autres et c'est acceptable. Ce qui est plus réaliste que l'indifférenciation où tout le monde serait censé faire partie du même corps en ne faisant qu'un, ce qui est empiriquement faux : chacun a son propre corps et sa propre personnalité)

  • et un renoncement à l'illusion de la toute puissance (illusion qui se base sur l'idée que l'on a un pouvoir sur les autres ce qui là encore est empiriquement faux : on a peu de pouvoir sur qui sont et ce que font les autres).

 

Donc chaque membre du groupe est un sujet à part entière, différent des autres mais relié à eux par des liens symboliques. Chacun étant porteur d'un désir propre, ayant intégré que son désir ne peut outrepasser celui de l'autre et que sa subjectivité ne peut annuler celle des autres. Cela demande d'avoir réussit à abandonner l'illusion que l'on a un pouvoir sur l'autre, sur ce qu'il pense, ce qu'il croit, sur qui il est, l'autre n'étant alors pas une extension de moi et un objet.

 

Et c'est l'appareil psychique qui permet d'accéder à des notions symboliques aussi complexes mais si fondamentales pour accéder à une organisation de groupe si terriblement efficace pour la survie de l'espèce (ça n'est pas pour rien que nous envahissons si dramatiquement toute la planète). Cette organisation sociale étant fondée sur le rassemblement en groupe plus ou moins grand et la garantie de droit d'existence de chacun comme sujet en son sein.

 

Cela nous rappelle ce que Franz De Waal nous dit dans son livre « L'age de l'empathie » (Les Liens qui Libèrent, 2011): la nature n'est pas majoritairement fondée sur la compétition, mais en grande partie sur la coopération. C'est aussi ce qui ressort des dernières études sur les arbre dans les forêts qui sont expliqué par Peter Wohlleben dans l'ouvrage récent « La vie secrète des arbres » (Les arènes, 2017), dans les forêt et les bois, les arbres ne sont pas en compétitions comme on a pu le croire, mais en coopération, dans un échange de ressource par leur racines.

 

Ce que nous montre notre évolution et le fonctionnement de notre appareil psychique c'est bien qu'une communauté est basé sur la coopération entre les sujets qui la compose et non sur la compétition qui oppose les personnes ne les aidant pas à faire ensemble.

 

Et l'appareil psychique des humains est une fonction évolutive qui nous aide à mettre cela en place, même si cela n'est pas encore complètement aboutit.

 

 

 

Comment peut-on traduire cela dans l'environnement sociétal ?

 

 

Il serait donc temps de dire à nos contemporains, et plus particulièrement à tout ceux qui ont des postes de direction, de responsabilité, mais aussi à ceux qui construisent des théories dans différents domaines comme l'économie, les sciences sociales, l'éducation, la politique, la gestion, les relations, l'histoire, et plus généralement tout ce qui impacte les décisions influençant notre vie quotidienne, qu'il est plus pertinent de tabler sur la coopération que sur la compétition. Contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, c'est la nature et notre évolution qui le montrent et non une vision utopique faite de naïveté bête qui nous le ferait croire à tord. La compétition ne fait que générer de l'écrasement de certain au profit d'autres, de l'inégalité, de l'injustice, de l'exclusion et du rejet et donc de l'éclatement du collectif, ce qui est contreproductif par rapport à l'objectif du regroupement.

 

 

C'EST UNE QUESTION DE CHOIX DE SOCIETE ET DE LECTURE DES SOCIETES !!!

 

 

L'évolution nous montre que l'on va inexorablement vers plus de coopération dans les sociétés car c'est ce qui garanti le plus efficacement notre survie. Cela se traduit normalement par plus d'égalité qui éloigne de la logique d'asservissement des uns par les autres, et de subjectivité qui reconnaît à chacun un droit ontologique d'être et d'être reconnu. Ca n'est d'ailleurs par un hasard si les réactionnaires, les traditionalistes et les plus riches refusent ce type d'évolution, car ils sont bien souvent issus des strates dominantes de la société, et pensent que les strates dominées sont inférieures et donc incapable de s'assumer (l'autre devient alors un objet qu'il faut diriger et utiliser à son corps défendant). Cette question reste encore aujourd'hui brulante en France et dans notre monde. Sauf que l'on se rend compte que c'est à l'inverse de ce vers quoi l'évolution logique d'une société va naturellement.

 

Cela traduit un conflit sociétal récurrent, qui n'est pas étranger au conflit interne à chacun d'entre nous, entre : un mouvement évolutif pour mieux survivre tous ensemble en acceptant de secondariser les réactions qui nous traversent pour favoriser la coexistence de l'autre à côté de soi et une fixation aux fonctionnement pulsionnel primaire caractérisé par la réalisation direct des buts pulsionnels de certains (les dominants), sans se soucier de l'impact que cela peut avoir sur les autres (fonctionnement pris dans la logique de pouvoir pour maintenir la possibilité de satisfaire ses propres besoins avant ceux des autres.)

 

 

 

Conclusion :

 

 

 

Ce préalable sur ce qu'est l'appareil psychique pour moi étant posé, le reste de mes réflexions va découler de cela. Le travail du psychologue est bien centré sur l'appareil psychique. Quelque soit la manière d'aborder la question, notre fond commun est le fonctionnement ou plutôt les fonctionnements de l'appareil psychique. Les fonctionnements car l'appareil psychique est assez complexe pour ne pas pouvoir êtres entièrement décrit d'un seul point de vue. Plusieurs angles de compréhension sont nécessaires pour l'aborder de manière plus exhaustive. C'est pour cela que toutes les approches en psychologie sont intéressantes. Il est triste de se quereller en essayant de dévaloriser ou d'invalider la méthode, la théorie, l'approche de l'autre, car c'est nier le fait qu'il y a évidemment plein de façon de l'appréhender, de le comprendre, de l'observer, de le décrire, de travailler avec. Là encore la coopération est de mise.

 

 

 

Charles DeChargeres

Psychologue clinicien